Piétons contre cyclistes en centre-ville

Les piétons sont-ils nos ennemis ? Que nenni, mais nous allons un instant les considérer comme tels pour forcer la démonstration.

Pour le Code de la Route, le vélo est un véhicule, pas les baskets. En cas d’accident, la notion de véhicule prime. Véhicule vulnérable, nous nous en sommes souvent émus dans ces colonnes. Le meilleur exemple est la fin en queue de poisson d’une voie cyclable, la plus démonstrative étant celle du bas de la Mandoune : comment faire à cet endroit où la piste disparaît et où de surcroît la chaussée réservée aux autos se rétrécit ? Se retourner ? Il faut être un pro, ne pas avoir d’arthrose cervicale pour ne pas faire une grossière erreur de trajectoire. Tendre les deux oreilles pour essayer de géolocaliser le danger ? Nos pavillons auriculaires ne sont pas dirigés vers l’arrière, l’appréciation sera donc très grossière : grondement sourd = camion ou autocar ; ronronnement qui se rapproche rapidement = automobiliste pressé ; bruit de flûte de Pan : jantes en carbone d’un fidèle de la 1 = pas dangereux ; aucun bruit = rien… ou voiture électrique ! Bref, notre localisation acoustique du danger n’a pas la précision de celle des chiroptères, donc méfiance, prudence et circonspection.

Passons maintenant à une situation moins dangereuse en apparence mais en apparence seulement et pas pour le cycliste : les voies partagées, dont la promenade Léon Saint-Faust. Aux heures d’affluence, c’est une course d’obstacles permanente, avec les poussettes, les tricycles, les ballons entre autres objets roulants. Les piétons n’ont aucune envie de serrer à droite et à leur place nous ferions pareil. Pour le cycliste, aucun danger ne vient de l’arrière, tout est visuel. Pour le piéton, par contre, le danger vient de l’arrière et il n’y a pas de signal acoustique, ce qui est plus difficile que dans le paragraphe précédent. Malgré tout et au final, les accidents sont rarissimes car les promeneurs sont des habitués et chacun, cycliste comme piéton a pris l’habitude d’être vigilant.

Continuons à nous mettre dans la peau de notre adversaire virtuel et promenons-nous en centre-ville. Là, toute vigilance se relâche, d’où le danger. De surcroît, la cohabitation se fait non pas avec des poussettes mais toute une faune montée 2 ou 3 roues, parfois une seule : vélo cargo, BMX, vélo sans freins, trottinette… Sur la coulée verte, aucune tentation de faire des acrobaties (les papas poussette font peut-être la police), mais en centre-ville, quelle pépinière d’acrobates de cirque !

En pratique, la promenade Léon Saint-Faust est un espace qui s’est auto-régulé, tandis que le centre-ville aurait vite fait de tourner à la jungle. Des piétons vigilants et des cyclistes prudents auraient pu cohabiter mais l’irruption de la trottinette et des vélos acrobatiques rend la chose impossible. La décision de l’Elue locale ne fait pas plaisir aux cyclistes raisonnables. Le code de la route est un ensemble de contraintes qui restreignent les libertés individuelles mais qui, pour la communauté donnent plus de libertés dont celle de circuler...

                                                                                                                                                                                                                                                  Laurent SOCQUET